LA PASSION DU CHRIST SELON GIBSON
Un film dont on parlera beaucoup. Dabord en raison du personnage central, Jésus de Nazareth, fondement de la foi chrétienne, mais aussi en raison de la manière avec laquelle le réalisateur, Mel Gibson, raconte la passion du Christ et évoque le mystère qui le conduit jusquà la mort sur la croix.
Certains commentateurs apportent un éclairage important sur le caractère plus ou moins historique, au sens que nous lentendons aujourdhui, de certaines références, paroles, attitudes ainsi que de limportance accordée à certains épisodes de cette passion. Ils confirment toutefois le caractère tout à fait historique de ce Jésus, « un homme sage ayant fait de nombreux disciples parmi les juifs et les non juifs, condamné à mort par Pilate, à la suggestion des notables. » Les historiens et exégètes discuteront, sans doute encore longtemps, de lintensité religieuse et politique de lévènement. Nempêche quil a mobilisé dès les débuts suffisamment de monde pour donner naissance à ce qui deviendra par la suite la chrétienté. Ce nest pas nimporte quel évènement qui peut avoir un tel effet. À ce titre le témoignage des premiers chrétiens doivent également sajouter au témoignage de lhistorien Flavius Josèphe.
Au-delà des lectures historiques que nous pouvons faire du récit de La passion du Christ, il y a la lecture politique, théologique et mystique de lévènement.. Si nous sommes choqués par la violence de la flagellation et de la crucifixion, il ne faudrait pas oublier que la haine et lacharnement de cruauté dont nous sommes témoins, nous la portons tous quelque part en nous. Lhistoire des peuples, des Églises de tous les temps et de tous les continents regorgent de ces horreurs. Si nous pouvions par la magie dun laser spirituel voir ce qui se passe dans les prisons de chacun de nos pays, dans les chambres de tortures et dans les lieux secrets de lanonymat de forces qui saffrontent, les images projetées dans le film nen seraient quun reflet.
Tout en visionnant le film, je voyais Victor Jara, un chanteur chilien, que les militaires frappaient et torturaient au vu et au su de milliers de prisonniers retenus au Stade nationale de Santiago du Chili au lendemain du Coup détat militaire du 11 septembre 1973. On lui coupait les doigts morceaux par morceaux en lui demandant de continuer à jouer de la guitare et à chanter. Je voyais également cet uruguayen fait prisonnier en Argentine sous les militaires. Il sappelait Miguel Angel Estrella et était un grand joueur de piano. On lui entrait des épingles sous les ongles et on lui demandait de jouer du piano sur le dessein dun clavier placé sur une table Combien dautres ont passé par la même école de la torture et de la mort dont les formes nont dégales que latrocité dont limagination humaine peut être capable. Un tortionnaire chilien sest livré à une journaliste et raconte les diverses tortures dont il a été lauteur. Son récit se retrouve dans un livre intitulé « ROMO, confessions dun tortionnaire ». Des histoires dhorreurs comme pas possibles. Tout cela avec la bénédiction des bien pensants de nos sociétés, de nos églises et de la masse des gens plus ou moins informés de ces horreurs. Nous ne sommes pas différents de ceux et celles qui ont conduit Jésus à la flagellation, à la croix et à la mort. Notre responsabilité est peut-être encore plus grande parce quaprès deux mille ans de foi chrétienne nous savons ou devrions savoir.
Au-delà de cette fresque de la souffrance humaine, le Christ de la Passion nous indique la voie à suivre pour sortir de ce cercle vicieux de la violence. Le film ne laisse aucune ambiguïté quant à la nature de cette voie. Pierre doit rengainer son épée, le royaume de Jésus nest pas de ce monde, sil létait son Père lui aurait envoyé depuis longtemps des anges pour assurer sa sécurité. Il nous dit quil faut aimer ses ennemis, ce qui est tout le contraire de les persécuter, de les torturer et de les tuer. Il nous invite à nous ouvrir à la vérité, ce qui est loin du mensonge systématique, de la tromperie et de lhypocrisie. À ce titre, je ne partage pas la conclusion de certains qui craignent que ce film vienne renforcer les croisés de la guerre pour le bien, comme pourrait le souhaiter « une certaine Amérique de laprès 11 septembre.» Bien au contraire, aucune guerre ne peut être menée sous la bannière du Christ que nous présente La Passion de Gibson. Il est tout à lopposé de ceux qui cherchent à bâtir un royaume terrestre, un empire enveloppé de valeurs chrétiennes, mais sans justice, sans partage, sans pardon, sans oubli de soi, sans universalité de valeurs partagées. Ce Jésus va chercher lirrationnel de lamour qui transcende les contradictions de la haine, de la cruauté, des ambitions de pouvoir pour en faire la loi de la nouvelle humanité appelée à vivre dans le royaume du Père. Nous sommes loin de la course aux armements, des guerres préventives ou de conquêtes, des jugements sommaires noyés dans la manipulation de lopinion publique. Lhumanité révélée dans le Christ est toute à lopposé de lhumanité révélée dans le pouvoir de la domination et de la manipulation.
Croyants ou non croyants une humanité est à bâtir et il nous appartient de choisir la voie qui lui permettra démerger une fois pour toute dans la justice et le respect de tous. Ce nest donc pas une question de juifs et non juifs, mais une question de foi en une Humanité faite pour autre chose que les guerres et les souffrances. Cest le défi que nous lance le Christ de la Passion de Mel Gibson ainsi que celui des Évangiles.
Oscar Fortin, théologien
Certains commentateurs apportent un éclairage important sur le caractère plus ou moins historique, au sens que nous lentendons aujourdhui, de certaines références, paroles, attitudes ainsi que de limportance accordée à certains épisodes de cette passion. Ils confirment toutefois le caractère tout à fait historique de ce Jésus, « un homme sage ayant fait de nombreux disciples parmi les juifs et les non juifs, condamné à mort par Pilate, à la suggestion des notables. » Les historiens et exégètes discuteront, sans doute encore longtemps, de lintensité religieuse et politique de lévènement. Nempêche quil a mobilisé dès les débuts suffisamment de monde pour donner naissance à ce qui deviendra par la suite la chrétienté. Ce nest pas nimporte quel évènement qui peut avoir un tel effet. À ce titre le témoignage des premiers chrétiens doivent également sajouter au témoignage de lhistorien Flavius Josèphe.
Au-delà des lectures historiques que nous pouvons faire du récit de La passion du Christ, il y a la lecture politique, théologique et mystique de lévènement.. Si nous sommes choqués par la violence de la flagellation et de la crucifixion, il ne faudrait pas oublier que la haine et lacharnement de cruauté dont nous sommes témoins, nous la portons tous quelque part en nous. Lhistoire des peuples, des Églises de tous les temps et de tous les continents regorgent de ces horreurs. Si nous pouvions par la magie dun laser spirituel voir ce qui se passe dans les prisons de chacun de nos pays, dans les chambres de tortures et dans les lieux secrets de lanonymat de forces qui saffrontent, les images projetées dans le film nen seraient quun reflet.
Tout en visionnant le film, je voyais Victor Jara, un chanteur chilien, que les militaires frappaient et torturaient au vu et au su de milliers de prisonniers retenus au Stade nationale de Santiago du Chili au lendemain du Coup détat militaire du 11 septembre 1973. On lui coupait les doigts morceaux par morceaux en lui demandant de continuer à jouer de la guitare et à chanter. Je voyais également cet uruguayen fait prisonnier en Argentine sous les militaires. Il sappelait Miguel Angel Estrella et était un grand joueur de piano. On lui entrait des épingles sous les ongles et on lui demandait de jouer du piano sur le dessein dun clavier placé sur une table Combien dautres ont passé par la même école de la torture et de la mort dont les formes nont dégales que latrocité dont limagination humaine peut être capable. Un tortionnaire chilien sest livré à une journaliste et raconte les diverses tortures dont il a été lauteur. Son récit se retrouve dans un livre intitulé « ROMO, confessions dun tortionnaire ». Des histoires dhorreurs comme pas possibles. Tout cela avec la bénédiction des bien pensants de nos sociétés, de nos églises et de la masse des gens plus ou moins informés de ces horreurs. Nous ne sommes pas différents de ceux et celles qui ont conduit Jésus à la flagellation, à la croix et à la mort. Notre responsabilité est peut-être encore plus grande parce quaprès deux mille ans de foi chrétienne nous savons ou devrions savoir.
Au-delà de cette fresque de la souffrance humaine, le Christ de la Passion nous indique la voie à suivre pour sortir de ce cercle vicieux de la violence. Le film ne laisse aucune ambiguïté quant à la nature de cette voie. Pierre doit rengainer son épée, le royaume de Jésus nest pas de ce monde, sil létait son Père lui aurait envoyé depuis longtemps des anges pour assurer sa sécurité. Il nous dit quil faut aimer ses ennemis, ce qui est tout le contraire de les persécuter, de les torturer et de les tuer. Il nous invite à nous ouvrir à la vérité, ce qui est loin du mensonge systématique, de la tromperie et de lhypocrisie. À ce titre, je ne partage pas la conclusion de certains qui craignent que ce film vienne renforcer les croisés de la guerre pour le bien, comme pourrait le souhaiter « une certaine Amérique de laprès 11 septembre.» Bien au contraire, aucune guerre ne peut être menée sous la bannière du Christ que nous présente La Passion de Gibson. Il est tout à lopposé de ceux qui cherchent à bâtir un royaume terrestre, un empire enveloppé de valeurs chrétiennes, mais sans justice, sans partage, sans pardon, sans oubli de soi, sans universalité de valeurs partagées. Ce Jésus va chercher lirrationnel de lamour qui transcende les contradictions de la haine, de la cruauté, des ambitions de pouvoir pour en faire la loi de la nouvelle humanité appelée à vivre dans le royaume du Père. Nous sommes loin de la course aux armements, des guerres préventives ou de conquêtes, des jugements sommaires noyés dans la manipulation de lopinion publique. Lhumanité révélée dans le Christ est toute à lopposé de lhumanité révélée dans le pouvoir de la domination et de la manipulation.
Croyants ou non croyants une humanité est à bâtir et il nous appartient de choisir la voie qui lui permettra démerger une fois pour toute dans la justice et le respect de tous. Ce nest donc pas une question de juifs et non juifs, mais une question de foi en une Humanité faite pour autre chose que les guerres et les souffrances. Cest le défi que nous lance le Christ de la Passion de Mel Gibson ainsi que celui des Évangiles.
Oscar Fortin, théologien