LETTRE À MON AMI GUILLERMO

Publié le par oscar fortin

Cher ami Guillermo, 

 

 

Tu ne peux savoir tout le bien que tu m’as fait lors de mon séjour au Chili. L’homme que j’ai découvert en toi m’a profondément inspiré et surtout m’a ouvert les yeux sur des réalités encore insoupçonnées. Tu as été pour moi une révélation profonde de ce Jésus de Nazareth en qui je dis croire beaucoup.  

 

 

 

Je sais que ton histoire n’a pas été des plus faciles, ni pour toi ni pour tes proches. L’alcoolisme qui a été pendant de nombreuses années ton vice et ton guide t’a fait connaître les bas fonds de la misère humaine, te conduisant même à des actes de violence à l’endroit de tes plus proches. Sans t’abandonner, ils ont toutefois voulu se protéger en t’interdisant la maison, mais en te laissant une pièce, un peu comme une remise, dans la cour avant de la résidence. C’est là que tu as entreposé tes outils d’ouvrier et de maçon ainsi que le matériel qui t’était nécessaire pour les fois où tu allais travailler. Tes rares économies qui passaient pratiquement toutes au service de ton vice ont fait en sorte que tu ramassais tout ce qui pouvait te servir pour tes travaux. C’est ainsi que ta petite pièce de 3 mètres par 4 mètres te laissait à peine l’espace pour ton lit, ton vieux frigidaire dont la porte était retenue par un élastique et un petit poêle à deux ronds pour faire chauffer ta nourriture.  

 

 

 

Je te connais depuis plus de 30 ans et, en dépit du vice qui était le tien, j’ai toujours ressenti beaucoup d’amitié et une certaine admiration. Je me rappelle ta disponibilité pour faire de petits travaux chez ta belle-mère, l’amour et ta présence auprès de tes trois enfants que tu accompagnais ici et là et que tu gâtais avec une glace ou une sucrerie. Jamais ta générosité ne t’a démenti pas plus d’ailleurs l’attrait que tu as toujours eu auprès de tes enfants, lorsque jeunes, et tes petits enfants. La patience que tu as à leur endroit, la disponibilité qui est sans limite font de toi un être exceptionnel.  

 

 

 

J’ai connu ta mère, une femme qui a enveloppé de son amour tes enfants et qu s’est montrée d’une aide extraordinaire pour ton épouse et pour toi. Bien des fois, je priais Dieu pour qu’il te sorte de ce vice. Je n’y voyais vraiment pas d’issu. Même une fois, tu te souviens, nous t’avions accompagné chez des évangélistes qui avaient un centre de traitement de l’alcoolisme.  Après trois jours tu avais décidé que ce n’était pas ta place et tu avais choisi de partir. Tu as d’ailleurs quelques bonnes anecdotes à raconter sur ce séjour. Tu as eu l’occasion de nous en raconter quelques unes, de quoi nous faire rire jusqu’aux larmes, surtout comptées par toi. Il faut croire que ton heure n’était pas arrivée. 

 

 

 

L’arrivée dans ta vie d’un petit fils est venue tout bouleverser. Tu lui as donné le meilleur de toi-même en le gardant, l’accompagnant, l’amusant. Il t’a donné tout l’amour qu’un enfant peut donner à un grand papa aussi gentil. Il allait souvent te voir dans ton coin où une personne pouvait difficilement se faire un chemin. C’était pourtant son lieu de prédilection pour regarder la télévision ou parler avec toi. Il savait quand tu avais bu et il te demandait pourquoi tu prenait autant de vin. Lorsqu’il se prépara pour la première communion le professeur leur expliqua que le vin se transformait dans le sang du Christ. Il a alors eu cette exclamation :  « C’est donc pour ça que mon grand père boit beaucoup de vin. »

 

 

 

 

Un jour, m’as-tu raconté, tu as pris la décision par toi-même de mettre un terme à ce vice pour répondre aux multiples fois que ton petit fils te demandait pourquoi tu n’arrêtais pas de « boire de l’alcool». Il te disait que ce n’était pas bon pour ta santé et que tu sentais toujours le vin.  Tu en es maintenant à plus de trois ans sans que ce vice redevienne le maître de ta vie. Tu vis dans la sobriété et tu es tout entier disponible à tes petits enfants, maintenant au nombre de 4 et aux travaux d’entretien qu’exige parfois la maison. Même si tu es toujours maintenu à l’écart de la vie familiale, tu n’en demeures pas moins attentif et aimable à l’endroit de tous et de toutes.  

 

 

 

Lors de mon dernier séjour, nous avons décidé de rajeunir ta pièce, toujours sans toilette et sans eau courante. Nous avons entrepris de la transformer en « pan house » cinq étoiles. Ce fut un moment magnifique, même s’il m’arrivait d’élever le ton ou de faire mon petit « jos connaissant ». Tu prenais avec humour mes changements d’humeur et avec beaucoup d’humilité mes ordres pas toujours sur le meilleur ton. Je me souviens de ce jour où nous étions en plein travail et qu’un voisin t’informe qu’un de tes amis alcooliques venait de mourir. De retour à la maison tu t’es changé de vêtements et tu es allé à la maison où on gardait le corps. C’est même toi qui est allé faire les arrangements pour qu’un autobus puisse transporter la famille et les amis au cimetière pour son inhumation. À travers tout cela j’ai appris beaucoup de toi et aussi de la vie.  

 

 

 

Voilà pourquoi j’ai voulu par cette lettre te dire merci et partager avec d’autres ta richesse comme personne et comme grand papa. Même Lucas, mon petit fils, a découvert en toi un grand papa pas comme les autres.  

 

 

 

D’un ami qui t’aime et t’admire beaucoup.  

 

 

 

Oscar Fortin

Publié dans SOCIÉTÉ

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